L’équité aux examens pour les personnes porteurs de troubles autistiques : halte à l’injustice !
Initiative citoyenne
L’équité aux examens pour les personnes porteurs de troubles autistiques : halte à l’injustice !
Nous souhaitons, par cette pétition, attirer l’attention des députés afin que les aménagements aux épreuves officielles orales évoluent pour les élèves autistes. Nous demandons que les conditions de passage de ces épreuves soient modifiées afin d’être adaptées aux particularités propres à l’autisme. Ces épreuves évaluent les capacités à communiquer, à faire montre de relations sociales explicites et implicites qui sont, pour la plupart des candidats porteurs de troubles autistiques, très limitées, voire inexistantes. Ne pas adapter ces épreuves, c’est condamner à l’échec tous ces candidats.
Nous joignons à notre demande la lettre ouverte envoyée à Monsieur Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports ainsi que pour information à monsieur Macron, président de la République, à Monsieur Castex, premier ministre, à Monsieur Denormandie, ministre de l’Agriculture (en charge de l’éducation des élèves dans le domaine agricole) et à Madame Cluzel, Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées de France.
Monsieur le ministre de l’Éducation Nationale,
Nous sommes parents d’enfants en situation de handicap. Nous nous tournons aujourd’hui vers vous pour solliciter votre soutien et votre intervention afin de défendre les droits de nos enfants et de centaines d’autres, dans le respect et l’application des lois de notre République. Nous nous battons, depuis des années, pour permettre à nos enfants de suivre une scolarité qui leur permettra de trouver leur place dans la société et d’être des citoyens accomplis. Ce combat est difficile, parfois douloureux, mais nous savons comme nos enfants ont aussi à apporter à cette société. Nous savons aussi combien le projet d’école inclusive vous est cher. Nous sommes conscientes du chantier que ce défi représente et des avancées qui, bien qu’insuffisantes, ont déjà été réalisées.
Le site www.education.gouv affirme “un dialogue renforcé avec les familles” et “des parcours de scolarisation toujours plus personnalisés”. On y lit aussi la possibilité d'aménagements des conditions de passation des épreuves, des examens et des concours : “des dispositions particulières sont prévues pour permettre aux élèves en situation de handicap de se présenter aux examens et concours organisés par l'éducation nationale dans des conditions aménagées. (...) Les candidats (...), selon le règlement propre à chaque examen, peuvent prétendre à l'adaptation ou la dispense d'épreuves”.
Aujourd’hui, nos enfants se trouvent pourtant en difficulté, en particulier lors des épreuves orales. Nos enfants sont autistes. L’autisme n’est pas une maladie mais un trouble neurodéveloppemental dont la définition même évoque “les déficits persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes variés“ (source : site www.handicap.gouv.fr).
Aujourd’hui, il est impossible, selon la Direction des Concours et Examens, de bénéficier d’une “neutralisation” du grand oral, au prétexte qu’il est lié aux spécialités. IIl était pourtant possible de passer les épreuves de langues, lorsqu’il y en avait encore, en ne passant que les écrits et en étant dispensé d’épreuves orales. Comment voir cette décision autrement que comme une injustice pour les candidats autistes ? Comment comprendre que les grilles d’évaluation du grand oral évaluent des critères tels que le contact visuel, la prosodie, le débit de parole et la réactivité aux questions, hors de portée de nos enfants autistes ? La situation est parfois absurde, par exemple pour les candidats autorisés à produire un écrit qui sera lu par une personne mandatée pour les aider : qui évaluera-t-on ? Le grand oral permet de développer et de mettre en lumière des talents remarquables et utiles chez de nombreuses personnes neurotypiques. Mais pourquoi est-il indispensable alors qu’il représente un obstacle infranchissable pour des personnes autistes ?
Nous demandons par ailleurs que le jury soit informé des manifestations des troubles autistiques du candidat : cela permettrait au jury de clarifier la situation et, au candidat, de se concentrer sur cette épreuve importante du baccalauréat. Ce jury va devoir évaluer chez un élève autiste des capacités comme la communication non verbale, la gestuelle et la communication pragmatique, autant d'éléments qui par essence posent problème aux porteurs de troubles autistiques. Le service des aménagements pour le handicap, la Mirex, nous dit qu’ "un handicap ne doit pas être révélé au jury d'une épreuve officielle, quelle qu'elle soit, afin de ne pas l'influencer inconsciemment sur la notation en fonction du handicap, mais en fonction de la valeur de la présentation, des connaissances et des compétences". On nous dit aussi qu'il faut préserver le secret médical et l'égalité (pas l'équité, mais bien l'égalité) entre les élèves qui arrivent devant “ce jury vierge de toute opinion sur le candidat.”
Vous oubliez qu’aujourd’hui un candidat se présentant par exemple en fauteuil roulant, ou accompagné d’un chien guide d’aveugle, d’un interprète en langue des signes, doté de matériel ergonomique, technologique, informatique, informe de fait les examinateurs qu’il est porteur d’un handicap.
Alors, pourquoi promouvoir une égalité inatteignable, dénuée de sens, porteuse d’exclusion, alors que vous pourriez promouvoir l’équité, base de l’inclusion ?
Ce silence imposé autour du handicap de nos enfants est violent. L’autisme est un trouble parfois peu visible mais le handicap qui en découle est réel et difficile à faire comprendre et reconnaître, particulièrement lorsqu’il est assorti d’un haut potentiel. Nous œuvrons au quotidien pour que nos enfants comprennent, assument et vivent avec leur handicap.
Le message délivré par l’institution est incompréhensible pour nous d’autant qu’un jury est constitué de professionnels de l’éducation et de l’enseignement ; ce jury a l’habitude d’évaluer les candidats et s’adapter à eux dans leurs différences, tout en restant pourtant objectif.
Pensez-vous qu’avertir ce jury de professionnels modifierait sa notation ? Que l’informer qu’un candidat ne soutiendra pas son regard l’émouvrait au point d’influencer son jugement, de donner une note plus élevée qu’elle ne l’aurait été pour un autre élève ? Que l’informer qu’un candidat ne peut pas interpréter certains gestes ou postures dudit jury, ne comprend pas l’implicite, a besoin de mouvements répétitifs ou d’émettre des sons inattendus pour gérer ses perceptions sensorielles, générerait de l’injustice et du favoritisme ?
Faudrait-il alors faire courir un 100 m à un paraplégique pour rendre l’épreuve équitable entre tous les candidats, enlever le tiers temps à tous les dyslexiques, supprimer les lunettes aux personnes qui en ont besoin, demander aux candidats muets de se présenter sans interprète, aux déficients auditifs d’ôter leurs appareils, aux asthmatiques de ne pas avoir recours à leur ventoline pendant les épreuves sportives…? Nous sommes tous d’accord que ce serait inhumain et dangereux. Alors pourquoi ne pas prendre en compte les particularités propres à l’autisme ? Faut-il se conformer à des normes, être capable d’entrer dans un moule” pour pouvoir réussir les épreuves du DNB, du baccalauréat, etc. ?
Ces épreuves sanctionnent des années d’efforts de la part de toutes et tous, et encore davantage de la part de celles et ceux qui doivent s’adapter au quotidien. Priver d’aménagements toutes les personnes reconnues comme légitimes pour en bénéficier, c’est les condamner d’office à l’échec et par conséquent les priver d’une autonomie sociale et financière sans laquelle ils resteront à la charge de l’État. Alors, pourquoi refuser ces aménagements aux autistes qui sont d’office lésés par les épreuves orales ?
La loi de 2005 n’est pas appliquée correctement. Cette loi a aujourd’hui plus de 15 ans. Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, s’il vous plaît, aidez-nous à faire avancer la cause des personnes autistes, et handicapées en général.
Nous vous remercions de la bienveillance que vous porterez à notre lettre, de l’attention que vous porterez au cas de tous ces jeunes et de leurs familles.
Nous vous prions d'agréer, monsieur le ministre de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports, l'expression de notre profond respect.
Sandrine Descombes, Claire Lommé
Des mamans très en colère et très inquiètes
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