Qu'on cesse de qualifier les arrêts de travail d'« absentéisme » et qu'on s'attaque enfin à leurs causes
Initiative citoyenne
Qu'on cesse de qualifier les arrêts de travail d'« absentéisme » et qu'on s'attaque enfin à leurs causes
Depuis plusieurs mois, le gouvernement et les organisations patronales multiplient les prises de position alarmistes sur le coût des arrêts maladie, parlant même d'« absentéisme ». Ce mot, lourd de sous-entendus, insinue que les salariés choisiraient sciemment de se soustraire au travail pour profiter d’un système laxiste. Il caricature insidieusement les malades en personnes fragiles, paresseuses ou, pire encore, en profiteurs.
Cette terminologie englobe même des réalités comme les accidents du travail, les maladies professionnelles ou les congés maternité. Sommes-nous vraiment en train de les qualifier d’« abus » ou de « fraude » ?
Un arrêt de travail est un acte médical prescrit par un médecin qui engage sa responsabilité. Il répond à une pathologie ou une souffrance, souvent aggravée, voire causée par les conditions de travail. Employer le mot « absentéisme » occulte cette dimension médicale et les causes structurelles : sous-effectif, surcharge, pression, absence de confiance, contrôle intrusif, management défaillant.
Or la tendance à la hausse des arrêts maladie n’est que le symptôme en reflet d’une autre tendance inquiétante mais largement tue : celle de la dégradation des conditions de travail, devenues pathologiques.
Les études de l’Eurofound, de l’IGAS, de la DARES, de l’ANACT et des baromètres de la CFDT ou de Malakoff Humanis convergent. Elles décrivent un management vertical et punitif, une intensification des cadences, une perte d'autonomie et une défiance grandissante. La France est désormais l'une des plus mauvaises élèves d'Europe.
Alors pourquoi ce isme ? Parlons simplement d'absence, ou d'indisponibilité, mais cessons d'insinuer que les malades sont des irresponsables, pour ne pas dire des parasites.
La culture de culpabilisation des arrêts présente ceux-ci comme des échecs personnels au lieu de situations subies. Une idée dangereuse, qui décourage toute reconnaissance du mal-être et persuade les malades qu’ils sont coupables de leur situation, les poussant à ignorer les signaux d’alerte parfois graves pour consulter le plus tardivement possible. Un dénis absurde qui conduit tout droit au point de rupture, nécessitant des arrêts plus longs et plus coûteux, qu'une politique de prévention efficace aurait pu éviter.
Dans ce contexte, allonger le délai de carence ou plafonner les indemnités revient à pénaliser ceux qui paient déjà le prix fort. Lorsqu'on finit abîmé et incapable de reprendre une activité, après s'être dévoué corps et âme à son travail, la prise en charge (jusqu’au rétablissement complet) est un dû chèrement mérité et certainement pas une faveur.
Quant à imposer l’indemnisation des premiers jours aux employeurs, cela risque de peser très lourdement sur l’emploi, notamment des seniors, déjà contraints de travailler plus longtemps malgré une santé fragile.
La santé n’est pas un coût mais un investissement. Le monde du travail ne peut pas continuer à broyer les individus tout en les stigmatisant. Plutôt que de s'attaquer aux protections sociales nécessaires, il faut tenir pour responsables les organisations qui mettent en péril la santé de leurs collaborateurs. Ces entreprises devraient être pénalisées lorsqu’elles négligent la prévention et la sécurité au travail. Le recours aux arrêts diminuera mécaniquement avec la disparition des pratiques toxiques.
Nous demandons au gouvernement :
• De cesser de parler d’« absentéisme » pour désigner les arrêts médicaux.
• De reconnaître la responsabilité des entreprises dans la santé des salariés et pénaliser celles qui la négligent.
• De lancer un plan ambitieux de prévention des risques psychosociaux et de formation au management sain.
• De renforcer la protection de la santé, au lieu de l’affaiblir.
La santé mentale, Grande Cause nationale 2025 ? Prouvez-le !
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