La santé n'est pas un bien marchand - Non au budget santé 2026.
Initiative citoyenne
La santé n'est pas un bien marchand - Non au budget santé 2026.
Le 25 juin (1), CatherineVautrin, ministre du Travail et de la Santé, annonçait en commission des affaires sociales à l’assemblée nationale une économie d’1,7 milliard d’euros sur les dépenses de santé à venir sur l’année 2025.
Une économie de 100 millions d’euros serait envisagée par le gouvernement sur les dépenses liées aux arrêts maladies. Amélie de Montchalin, ministre des Comptes Publics prétextait alors (2) que les dépenses liées aux arrêts maladies avaient augmenté de 40 % entre 2019 et 2024 (17 milliards de dépenses en 2024 contre 12 milliards en 2019), la moitié de cette augmentation étant attribuée aux patients de moins de 30 ans.
Une augmentation, selon Thomas Fâtome (3), directeur général de l’Assurance Maladie, liée à 60 % au vieillissement de la population, à la croissance démographique ainsi qu’à l’inflation et à 40 % à l’augmentation de la durée et du nombre d’arrêt maladie.
Dans une interview accordée au Parisien le 20 avril (4), Amélie de Montchalin mettait en cause la fraude sociale en lien avec les arrêts maladies, arguant même que « certains fraudeurs rajoutent un 1 à la version papier [de leur arrêt] pour qu’il passe à 11 jours » ce qui confine au prodige puisque, sur les versions papiers de chaque arrêt, la date de fin de l’arrêt doit être inscrite en toutes lettres justement pour éviter ce type de choses, et ce depuis fort longtemps.
Le 25 juin (1), la ministre des comptes publiques affirmait finalement vouloir « responsabiliser et engager les prescripteurs, les entreprises, les assurés sur cette dépense » et que cette hausse notamment chez les patients de moins de 30 ans devait « interroger sur les conditions de travail mais aussi sur la responsabilité des assurés ».
Finalement, le 15 juillet, sur le même ton, lors de sa conférence de presse à Matignon (5) , le Premier Ministre déclarait, au sujet des arrêts maladies, vouloir "mettre fin à une dérive".
Ces dernières déclarations, à elles seules résument bien le débat qui a lieu en ce moment – et, en réalité, depuis plusieurs années –, autour du budget de la santé.
Car, s’il y a nécessité d’« interroger la responsabilité » des « prescripteurs et des assurés », c’est donc qu’il y a irresponsabilité. De la part de qui ? Qui accuse-t-on ?
La prescription d’un arrêt de travail est un acte médical, au même titre que la prescription de médicaments ou d’examens complémentaires. L’assuré n’en est à aucun moment responsable. Les irresponsables seraient alors peut-être les médecins qui prescriraient des arrêts de complaisance ? A hauteur de 5 milliards de dépenses supplémentaires ? En ce cas, ce n’est pas d’irresponsabilité dont, nous, médecins, sommes accusés mais bien d’incompétence et de faute professionnelle.
Reprenons les bases.
En tant que médecin, notre rôle est de soigner et de préserver le pronostic vital mais aussi fonctionnel (somatique et mental) de nos patients. Je prescris un arrêt de travail quand je pense que mon patient se met en danger – ou met en danger les autres – en continuant d’exercer sa profession dans sa condition médicale.
Les arrêts de travail ne sont pas une mode. Les arrêts de travail ne sont pas un produit marchand que l’on peut négocier en fonction du contexte économique. Les arrêts de travail sont une prescription médicale qui engagent la responsabilité médicale. S’il y a plus d’arrêt de travail, c’est peut-être qu’il y a besoin de plus d’arrêt de travail ? S’il y a plus d’arrêt de travail, c’est peut-être que les patients acceptent plus facilement les arrêts quand nous leur recommandons ? S’il y a plus d’arrêt de travail, c’est peut-être que les patients appellent plus facilement à l’aide ?
Médecin généraliste depuis bientôt trois ans, je constate tous les jours que ma mission n’est pas remplie de manière optimale : manque de places hospitalières, ruptures de stocks de médicaments, délais catastrophiques de consultation pour les spécialistes médicaux ET paramédicaux (y compris en médecine générale), absence de remboursement décent pour nombres de services et soins indispensables (psychothérapie, imageries). Et l’on voudrait qu’à présent, nous, médecins, commencions à négocier le simple repos à domicile de nos patients pour des raisons purement économiques ?
Cela rappelle par beaucoup d’aspects cette réponse de François Fillon, face à des infirmières qui réclamaient les moyens de remplir leur mission : « vous voulez que je fasse de la dette supplémentaire ? »
Le contexte économique ne peut pas et ne doit pas entrer en ligne de compte lorsque nous faisons une prescription qui nous semble médicament justifiée. Le service public ne peut pas et ne doit pas être considéré comme un produit marketing ou géré comme une entreprise. Les pathologies de nos patients ne sont pas régies par les lois de l’offre et de la demande.
Cette chasse aux arrêts maladies n’est qu’une attaque parmi d’autres dans le cadre du démontage organisé de notre système de santé, dont l’accélération a été clairement annoncée par le Premier Ministre ce 15 juillet : rabotage de l’Ondam, augmentation des plafonds annuels des franchises et participations forfaitaires des patients, réduction de la prise en charge des ALD…
Emmanuel Macron a aujourd’hui déclaré « si d’autres ont des idées plus intelligentes, [François Bayrou] les recevra ».
Des solutions intelligentes, il y en a.
En Allemagne (6), par exemple, seuls les personnes dont le revenu annuel est supérieur à 69 300 euros brut peuvent s’affilier à une assurance privée. Le reste de la population est couverte par l’assurance maladie. Pour cette population, il existe des franchises mais elles sont calculées en fonction des revenus. Ce système-là est bénéficiaire.
La taxe Zucmann (7) , un impôt plancher de 2 % pour les 1800 citoyens français les plus riches, promettait de rapporter 20 milliards d’euros par. Elle a été votée par les députés en février 2025, retoquée par les sénateurs en juin.
Imaginer un système de santé à la fois moins précaire et plus égalitaire est possible mais pour cela, il faut que ses dépenses et ses recettes, logiquement, soient aussi plus justes.
Par cette pétition, nous, médecins, patients, demandons :
- La censure de ce budget destructeur et discriminatoire ;
- Un nouveau budget, à la fois protecteur pour les droits des patients, des malades, des personnes handicapées, et dont les recettes seraient prélevées de manière égalitaire ;
- Un positionnement clair des partis politiques sur cette question d’importance majeure.
Il est indispensable que, en tant que corporation médicale et en tant que patients, nous fassions entendre notre voix face à cette vision managériale purement financière et dangereuse d’un système de santé déjà en plein crash.
Dr Marianne Massé
1. https://videos.assemblee-nationale.fr/video.17179532_685bb17519328.commission-des-affaires-sociales--mmes-catherine-vautrin-et-amelie-de-montchalin-ministres-sur-l--25-juin-2025
2. https://www.publicsenat.fr/actualites/sante/arrets-maladie-lassurance-maladie-propose-de-limiter-la-duree-maximale-qui-peut-etre-prescrite
3. www.franceinfo.fr/replay-radio/le-grand-temoin/maitrise-des-depenses-de-sante-il-ne-s-agit-pas-de-jeter-l-anatheme-ni-sur-les-medecins-ni-sur-les-assures-ni-sur-les-entreprises-assure-le-patron-de-la-cnam_6745330.html
4. https://www.challenges.fr/politique/cest-inadmissible-la-charge-damelie-de-montchalin-contre-la-fraude-aux-arrets-maladie_602965
5. https://www.franceinfo.fr/sante/budget-2026-comment-le-gouvernement-veut-responsabiliser-les-patients-pour-reduire-le-cout-des-soins-de-sante_7379911.html
6. https://www.20minutes.fr/societe/4163861-20250716-budget-2026-bayrou-peut-vraiment-affirmer-seuls-5-allemands-affection-longue-duree
7. https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/la-taxe-zucman-arrive-au-senat-on-vous-explique-les-enjeux-qui-se-cachent-derriere-cette-taxe-qui-vise-les-ultras-riches
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