AESH en colère: Pour ne plus entendre : « Nous ne savions pas »
Initiative citoyenne
AESH en colère: Pour ne plus entendre : « Nous ne savions pas »
AESH: “Adulte En Situation d’Hyper précarité”
Nous exerçons un métier précarisé, dévalorisé, avec des temps partiels imposés et des rémunérations sous le seuil de pauvreté.
93% des AESH sont des femmes. Qui s’étonne que ce métier soit très largement féminisé? L’État profiterait-il de ces femmes, nombreuses, en situation de précarité professionnelle, avec des carrières interrompues par des parcours de vie parfois difficiles , pour pratiquer un “précariat genré”? Les AESH sont bien souvent considérées et stigmatisées comme étant “des personnes empathiques, et aidantes”, qui se satisferaient d’avoir leurs mercredis après-midi et vacances scolaires pour s’occuper de leurs propres enfants (en dirait-on de même des enseignants?), sans reconnaissance, ni de leurs compétences diverses et nombreuses, ni de leur professionnalisme.
Aucune harmonisation n’est faite pour imposer un cadrage national de nos missions et temps de travail. Les décisions sont à géométrie variable d’une académie à une autre, voire d’un PIAL à l’autre. Les règles sont bien souvent dictées par le bon vouloir des hiérarchies intermédiaires, plus ou moins bienveillantes. La précarité des contrats et des conditions d’exercice rendent les AESH corvéables à merci et engendre fatigue morale, burn-out et arrêts de travail. Ce métier s’exerce en l’absence de véritable statut dans l’Éducation nationale, en l’absence de formations, quasi inexistantes, avec une gestion humaine totalement arbitraire, et une rémunération scandaleusement faible.
Les profils des élèves devenant de plus en plus variés et complexes (troubles du spectre autistique, troubles du comportement avec parfois violence, troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité, etc...), les AESH s’écartent de l'accompagnement scolaire et accomplissent de plus en plus des gestes professionnels relevant des aides-soignants ou des éducateurs spécialisés. Et tout cela à moindre coût.
L’inclusion « low cost » mise en place par le gouvernement aggrave encore plus cette situation. Des élèves qui devraient être pris en charge par des spécialistes dans des instituts médico- éducatifs (IME) ou des instituts thérapeutiques (ITEP), se retrouvent scolarisés en dispositifs ULIS ou en classe ordinaire uniquement par calcul budgétaire, alors qu’ils éprouvent de grosses difficultés pour étudier malgré l’accompagnement qui reste beaucoup trop partiel. Ceci génère des situations de grande souffrance pour les élèves eux-mêmes, leurs familles et toute la communauté éducative. Les AESH sont en première ligne et ne disposent d’aucune offre sérieuse de formation auprès de spécialistes de ces troubles. Seules 60 heures de formation (ou plutôt d’information) purement théorique sont “généreusement” offertes en début de contrat, afin de couvrir tout le champ du handicap (moteur, visuel, auditif, autistique, TDAH, déficience intellectuelle, troubles du comportement, et parfois même, de cas relevant du champ psychiatrique).
La charge sociale et psychologique de la fonction des accompagnants d’élèves en situation de handicap est par nature très élevée et épuisante. En effet, travailler (souvent seule), avec des élèves présentant ces troubles, requiert une grande dose d’énergie, de concentration, de pédagogie, de psychologie, de patience, ainsi qu’une posture professionnelle précise. Nos 24 heures par semaine devraient être reconnues comme un temps plein, avec la possibilité d’étendre notre temps de travail à 27 heures par semaine, afin de nous permettre d’avoir le temps nécessaire pour faire les adaptations des différents supports, ateliers en primaire), de créer des outils pédagogiques (pictogrammes, cartes mentales, appropriation des différents outils, etc…) et de faire du soutien scolaire.
Les AESH se voient désormais conduites à accompagner plusieurs élèves sur la semaine (jusqu’à 9 dans certains cas). Avec la mutualisation renforcée par les PIAL, ce sont 2, 3 élèves en même temps, avec des troubles différents, avec des affectations changeantes sur un ou deux établissements, qui évoluent dans l’année avec les besoins en accompagnement.
Cela ne permet pas d’avoir un vrai suivi de ces élèves, mais au contraire, cela nous donne le sentiment de “bricoler” et de ne servir que de pansement, de “cache misère”.
On peut ajouter à cela que pour l’AESH, il est très difficile de comprendre les différents acteurs avec lesquels elle peut communiquer, d’autant plus si elle se trouve sur plusieurs établissements publics et/ou privés, chacun ayant son fonctionnement qui lui est propre: Directeur d’école, Principal de collège, coordinateur, pilotes du PIAL, IEN, coordinateur référent départemental de l’école inclusive, Direction académique, Rectorat. Et pourtant, ce métier est primordial pour l’inclusion scolaire. Aujourd’hui, ce sont plus de 140 000 AESH qui travaillent au service des familles et des établissements scolaires en France pour 478 000 élèves en situation de handicap. Les AESH représentent désormais la 3eme catégorie professionnelle présente dans les classes après celle des professeurs des écoles et des enseignants.
Qui osera enfin s’intéresser, parmi notre hiérarchie, nos dirigeants et représentants à l’Assemblée Nationale, à ces “damné(e)s de l’Education nationale” que nous sommes ? Qui s’emparera de ce combat face à ce triste constat, inadmissible en 2024, en France, pour faire évoluer ce métier et lui reconnaitre enfin un vrai statut au sein de l’Education nationale?
Pour l’heure, la seule réponse que nous arrivons à obtenir est résumée dans cet extrait (Guide ministériel national des AESH, septembre 2020 ) :
“ Scolariser dans de bonnes conditions les élèves en situation de handicap est une des grandes causes du quinquennat (Emmanuel Macron: 2017-2022). La réalisation d’une école inclusive est à ce titre une priorité. L’Ecole inclusive vise à assurer une scolarisation de qualité, pour tous les élèves de la maternelle au lycée, par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers. En tant qu’AESH, vous êtes un acteur essentiel de la pleine réussite de l’Ecole inclusive. Votre engagement au coeur de la communauté éducative et au service des élèves est décisif pour répondre durablement à la scolarisation […] des élèves en situation de handicap. Je vous souhaite un plein accomplissement professionnel et personnel dans vos missions […] .”
Un CDI, à 900 euros par mois, c’est la seule avancée que nous ayons eu . Comment peut-on souhaiter un plein accomplissement professionnel et personnel dans ces conditions ? Comment peut-on envisager une Ecole inclusive de qualité dans ces conditions? Nous souhaitons des conditions dignes d’exercice de notre métier devenu essentiel à l’inclusion de tous ces élèves porteurs de handicap. Nous revendiquons une vraie reconnaissance de notre métier avec un statut assurant une protection, une formation, une revalorisation et une possible évolution de carrière. La création de 2000 postes, à moindre coût, sans formation sérieuse, en 2025, pour l’ensemble du territoire, n’apporte aucune réponse sérieuse à nos conditions d’exercice et reste très largement insuffisante pour répondre aux besoins éducatifs et d’inclusion de ces élèves en milieu scolaire ordinaire, puisque, dans le même temps, 4000 postes d’enseignants seront supprimés.
F.P, AESH dans le Morbihan
Association AESH en lumière
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