Quand la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les Harkis exclut les militaires d'active musulmans !
Initiative citoyenne
Quand la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les Harkis exclut les militaires d'active musulmans !
Objet: Loi Reconnaissance et Réparation en faveur des Harkis : quand les Militaires de carrière musulmans rapatriés en 1962 et parqués avec les Harkis dans les mêmes camps de transit sont ignorés et méprisés par la Nation
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Ministre des Armées.
Les militaires de carrière musulmans (militaires d'active donc) ont subi les mêmes lois de parcage que les Harkis, pourquoi sont-ils exclus de tous les dispositifs d'entraide ? Dans l'imaginaire collectif seuls les Harkis ont subi des conditions de vie indignes dans les camps, c'est pour cela que le sort des militaires d'active musulmans est passé sous silence ?
En niant cela, la Nation n'a pas à reconnaître les pratiques ségrégationnistes existant au sein même de son armée ! On parle ici de militaires de carrière toujours en activité après leur rapatriement en 1962, et parqués avec les Harkis sur la base de leurs origines ethniques et religieuses !
La question est: que faisaient ces militaires d'active dans ces camps de Harkis et pourquoi ont-ils été systématiquement été exclus des dispositifs d'entraide de ces 30 dernières années alors quel leurs conditions de vie dans ces camps de transit étaient tout aussi indignes et inhumaines que celles de Harkis ??
Pour information, mon père au vu des services rendus à la Nation, a été nommé au grade de Chevalier dans l'Ordre National du Mérite en mai 2005, c'est donc ainsi que l'on a traité cet homme, dévoué et fidèle l'armée, accueili avec sa famille dans ces conditons qui n'honorent pas l'Armée ?
Voici notre histoire....
A la fin de la guerre d’Algérie en 1962, on observe une arrivée massive vers la Métropole de Pieds-Noirs et de Harkis. Alors que la priorité aux logements sociaux est donnée aux Pieds-Noirs, les Harkis ou anciens supplétifs de l’Armée Française sont eux parqués dans des structures d’accueil spécifiques : des camps pour musulmans.
C’est ainsi que ma famille, dont mon père, pourtant militaire de carrière au service de l’Armée française de 1952 à 1969 (non Harki donc), sera assignée à résidence dans un camp de Harkis, celui de Cattenom dans l’Est de la France.
Ma famille y sera parquée 7 longues années, ma soeur aînée alors âgée de 6 ans fin 1968 contractera dans ce camp insalubre la maladie de Bouillaud (maladie infectieuse qui provoque de graves rhumatismes articulaires et attaque les valves du cœur). Ma soeur verra sa santé décliner sans que l’Armée, dont la responsabilité est engagée (*), ne prenne en charge les frais médicaux et notamment les frais de séjour en maison de repos pourtant préconisé par son médecin.
(*) Mon père. est mis à la retraite le 1er janvier 1969, l’Armée qui avait pour obligation de le reclasser attendra juillet 1969 pour reloger notre famille et c’est précisément durant ces mois de parcage ‘supplémentaires’ que ma sœur développera des séquelles irréversibles sur le cœur, la maladie infectieuse endommagera sa valve mitrale, ce qui lui vaut aujourd’hui d’être lourdement handicapée. Née en février 1969, je développerai moi-même un rachitisme évolutif après avoir injustement passé les 1ers mois de ma vie dans ce camp insalubre alors que mon père avait déjà été mis à la retraite par l'armée.
Pourquoi la famille de ce militaire de carrière engagé dans l’Armée dès 1952 et toujours en activité entre 1962 et 1969, a-t-elle été parquée dans un camp de Harkis lors de son rapatriement en 1962 ? Le statut de fonctionnaire du père ne devait-il pas le ‘protéger’ de ce qui s’apparente aujourd’hui à des pratiques ségrégationnistes post-coloniales, le père toujours engagé et gradé, avec un bataillon d'hommes à son commandement, n’aurait-il pas dû être logé dans la caserne où il était affecté avec son épouse et ses enfants en bas-âge, et non avec les Harkis dans un camp ?
La réalité est que les pouvoirs publics de l’époque ne faisaient pas de distinction entre les Harkis et les Militaires de carrière musulmans, et opéraient systématiquement un parcage communautaire de ces populations rapatriées.
Dans le cadre de son Rapport d’Activité de mai 2023, et dans la continuité de la loi Reconnaissance et Réparation voulue par vous Monsieur le Président, Mr Jean-Marie Bockel, Président de la CNIH, la ‘Commission Nationale Indépendante de Reconnaissance et de Réparation des préjudices subis par les Harkis’ confirmera suite à une expertise : ‘Cattenom est un camp militaire, les logements sont à l’écart avec douche et WC collectifs, eau courante et chauffage (sic!), les fenêtres du RDC sont condamnées. On constate une ségrégation spatiale et communautaire exclusive, le logement est précaire’.
Tout est dit : ma famille a bien été parquée en raison de ses origines ethniques. Pire, ce rapport va jusque nier la présence de Militaires de carrière musulmans dans le camp puisqu’il affirme que ‘les logements accueillent 103 personnes (Harkis et leurs familles)’.
Soit ce rapport confond Harkis et Militaires de carrière musulmans dans le prolongement de l’imaginaire colonial nauséabond, soit il tait sciemment la présence de ces fonctionnaires de l'Armée et dans les deux cas, cela l’arrange bien. Personne n'est dupe, la Nation n’a ainsi pas à se justifier, à faire son examen de conscience sur le traitement indigne qu’elle a infligé à ses Militaires de carrière musulmans engagés à ses côtés bien avant les évènements en Algérie française (39-45, Indochine, Maroc) et toujours présents à ses côtés de 1954 à 1962 lors des évènements, jusqu'aux accords d'Evian et l'indépendance de l'Algérie.
A noter: il faudra attendre mai 2023 pour que le camp de Cattenom fasse partie des sites ouvrant droit à réparation, comme si l’indignité de ce camp était encore à prouver, 60 ans après !
Ces 30 dernières années et sous les différents gouvernements, plusieurs mesures d’entraide et de réparation en faveur des Harkis et leurs descendants ont été mises en place (les gouvernements Chirac, Sarkozy, Hollande et plus récemment le vôtre Monsieur le Président) : bourses d’études, aide à l’accession à la propriété, aide à l’amélioration de l’habitat, aides de solidarité dans les domaines de la formation et l’insertion professionnelle, le logement, la santé,..) etc…
Notre famille en sera toujours exclue ! Le Ministère des Rapatriés arguait déjà : ‘vous n’y avez pas droit car vous n’êtes pas des Harkis mais des fonctionnaires de l’Armée’.
Avec beaucoup d’hypocrisie et de mépris on nous refuse toutes les aides auxquelles les Harkis ont pourtant droit, en se cachant de manière très opportune derrière le statut de militaire de carrière de notre père, ce même statut qui n’aura pourtant pas protégé notre famille de ce parcage indigne, brutal, abusif !
Début 2022, Monsieur le Présient, vous demandiez pardon aux Harkis dans le cadre de votre loi de ‘reconnaissance et de réparation’, on notera que les militaires de carrière musulmans dont les conditions d’accueil ont été identiques à celles des Harkis sont toujours ignorés. Nous avons pourtant partagé la même communauté de destin que les Harkis, pourquoi sommes-nous 'oubliés' !
Devant ce que je considère être une profonde injustice, une injure aux conditions d’accueil inhumaines de ma famille, j'interpellais en juillet 2022 les services de l’ONACVG de Caen (siège) et de Nanterre en charge d’instruire les demandes de reconnaissance et de réparation alors que j'habitais à Colombes (92).
L’ONACVG, Office National des Combattants et des Victimes de guerre est sous tutelle du Ministère des Armées, j'interpellais également courant 2022 Mme Patricia Miralles (Secrétaire d’Etat en charge des Anciens Combattants et de la Mémoire) et Mr Jean-Marie Bockel (Président de la CNIH Commission Nationale Indépendante de Reconnaissance et de Réparation des préjudices subis par les Harkis), afin d’obtenir réparation pour les 7 années de parcage abusif de sa famille; pour que le statut de militaire de carrière musulman aux mêmes conditions de vie indignes que celles des Harkis soit enfin reconnu, pour que la situation préoccupante de ma sœur malade/handicapée soit prise en compte.
A ce jour, aucune réponse concrète ne m'a été donnée.
L'année passée, je demandais à plusieurs reprises une attestation de séjour dans un camp de transit pour ma famille, sans plus de succès. L'armée doit bien disposer d'une trace de ce séjour de 7 ans dans ses archives ! Ce silence dure depuis plus de 18 mois… que cache-t-il ? Que ma famille n'avait rien à faire dans un camp de la honte sans doute ??
Dans une demande d’identification de rapatrié datant de janvier 1988, le Délégué pour l’Accueil et le Reclassement des Rapatriés ira jusqu’à attester que mon père avait été admis au bénéfice des dispositions de la Loi N° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et la réinstallation des Français d'Outre-Mer.
Cette loi prévoyait, entre autres, que les Français rapatriés seraient intégrés dans des structures économiques et sociales de la Nation !
FAUX!! Cela n’a jamais été le cas pour ma famille puisque parquée de 1962 à 1969 dans un camp de ‘transit’. Encore un arrangement avec l'histoire !
Après 60 ans de mépris et de dénigrement il serait enfin temps de reconnaître ces militaires musulmans et leurs familles qui font partie du roman national et de l'Histoire de France, afin de préserver l'avenir et la cohésion nationale ainsi que le devoir de mémoire.
Il serait grand temps d'inclure ces militaires d'active musulmans parqués avec les Harkis dans les dispositifs de réconnaissance, de réparation et de pardon, d'octoyer à ces familles meurtries un dispositif spécifique eu égard à toutes ces années d'exclusion des dispositifs d'entraide.
En 2024, exclure ces militaires c'est 1/ à nouveau les gifler, les mépriser et piétiner leur statut, 2/ n'honore ni la Nation, ni l'Armée française !
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Ministre des Armées, l'expression respectueuse de ma très haute considération.
Mireille Bouglouf.
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