Contre le projet de loi actuel sur l'aide active à mourir
Initiative citoyenne
Contre le projet de loi actuel sur l'aide active à mourir
Voilà quelques temps que les discussions sur la fin de vie sont ouvertes.
Depuis le début des discussions, des gardes-fous qui paraissaient essentiels ont, les uns à la suite des autres, « sauté », avec une facilité déconcertante. Entre autres (liste plus exhaustive en pièce jointe):
• Le délai de réflexion de 48h pour le patient n'est plus obligatoire : possible administration du produit létal le jour-même de la demande (est-ce que le libre choix existe encore quand un Français sur 2 qui en aurait besoin n'a pas accès aux soins palliatifs ? )
• Les amendements demandant une évaluation de la capacité de discernement ont été rejetés
• Création d'un délit pour les tentatives de dissuasion d'aide à mourir (mais refus de création d'un délit d'incitation au recours à l'aide à mourir)
• Une seule commission de contrôle, opérant … uniquement a posteriori.
Avant même d’évaluer le bien-fondé du texte, on ne peut nier ses contradictions intrinsèques : pourquoi refuser d'évaluer le discernement du demandeur alors qu'il s'agit de l'un des critères d'accès ? est-ce qu'il s'agit vraiment d'une loi sur la fin de vie, quand l'avis de la HAS, réclamé par l’Assemblé affirme qu'on ne peut pas scientifiquement définir les termes "pronostic vital engagé"?
Ensuite, le « diagnostic » qui a mené à l’élaboration de cette loi semble mal posé : Oui, il y a un problème de condition de fin de vie en France ; mais est-ce que la création d'un "droit à mourir" le résout ? Quel libre choix auront les patients vulnérables, subissant toutes formes de pressions (sociétales de se sentir en poids, financières de ne pouvoir s'offrir des conditions de fin de vie décentes, sanitaire avec l'insuffisance des soins paalliatifs)... La demande de mort, avant d'être un rêve de cercueil, est une demande de mettre fin à des conditions de fin de vie jugées insupportables... C'est sur celles-ci qu'il faut agir ; légaliser l’aide à mourir ne sera qu'une mesure symptomatique, qui ne règlera aucunement le problème de fin de vie en France!
Enfin, et surtout, le projet de loi tel qu’il est actuellement n’est pas en faveur du bien commun. De prime abord, on peut croire que la création d’un nouveau droit n’enlève rien à ceux qui ne veulent pas l’exercer. Cependant, il s’agit bien d’un nouveau droit qui s'appliquerait à toute une catégorie de personnes vulnérables, qui seront forcées de s'interroger à un moment ou l'autre, et dont le choix libre n'est pas du tout garanti, au vu des différentes pressions déjà citées qui s’exercent sur elles. Peut-on réellement assentir à mettre en danger des dizaines de milliers de personnes, au nom de l’intérêt d’une minorité (< 3% des demandes d’euthanasie sont maintenues une fois que la douleur est correctement prise en charge) ? Peut-on voter un nouveau droit pour quelques-uns au prix d'un danger pour tous ?
Car le danger ne s’arrête pas aux failles actuelles du texte. La loi fait irrémédiablement évoluer les mentalités : Aux Pays-Bas, la vieillesse est désormais en voie d’être un critère suffisant ; au Canada, 25% de la population considère qu'être « Sans Domicile Fixe » devrait être un critère suffisant. Et l’ADMD française assume elle-même depuis toujours qu’une fois « le pied mis dans la porte », elle cherchera à élargir les critères. Nous sommes bien loin de l'idée de départ de prendre en charge une douleur réfractaire ...
Quelle société voulons nous?
Si nous résumons, au travers de cette proposition de loi, on vous promet liberté de choix, égalité des chances (avec l’affranchissement des différences d’accès lié à la géographie, aux ressources financières et aux réseaux de médecins complaisants), et geste de fraternité ultime.
Ce qu’on vous offre en réalité, c’est une France qui abandonne les plus vulnérables. Une France qui envisage la liberté de pensée sans prendre en compte les fluctuations du désir de mourir et pressions sociales (la proposition de loi telle qu’elle est formulée laissant possible une administration de l’euthanasie le même jour que la demande). Une France, qui, au lieu de persévérer ses efforts pour améliorer la fin de vie et rendre ses conditions plus humaines quelque soient les ressources, jette à ses enfants les moins riches (ne pouvant s’offrir un EHPAD, des soins onéreux, ou devant attendre trop longtemps une bonne prise en charge) une ultime issue, facile, rapide : la majorité des euthanasies en Oregon sont réalisés chez des personnes en situation de pauvreté.
Au prétexte de soulager les souffrances réfractaires d’une très faible minorité, c’est un mortis arbitrium que vous lancerez à des dizaines de milliers de patients désemparés.
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